Des femmes dans un marais à Kitshanga Crédit Photo: Charly Kasereka |
Peut-on être à la fois déplacé de guerre et autonome ? Oui, s’il s’agit de maintenir la cohésion sociale entre des communautés déchirées par les conflits armés. À Kitshanga dans le Masisi le mécanisme est en marche.
Je
me trouve dans le marais de Kibumbu, à une soixantaine de kilomètres de la
ville volcanique de Goma. C’est en territoire de Masisi, dans un vaste
champ de 110 hectares. Devant moi, plusieurs dizaines de personnes en train de
labourer la terre en fredonnant quelques chants. On se croirait à l’ère de
l’esclavage aux Etats-Unis.
Dans
le marécage, ce sont des légumes (patates douces, pommes de terre,
choux-fleurs, etc.) que déplacés et autochtones du terroir essayent de
cultiver. La plupart d’entre eux sont des femmes, voire des jeunes garçons
qui travaillent conjointement avec leurs mères.
Dans
cet environnement, il n’est pas facile, pour plusieurs familles pauvres, de
refaire leur vie après un conflit armé ou une catastrophe naturelle. Pour
favoriser l’accès des communautés vulnérables aux biens de première nécessité
dans ce contexte difficile, le Programme alimentaire mondial (PAM) soutient
l’activité agricole à laquelle se livrent des déplacés de ce camp. Le PAM a
ainsi mis en place le programme ‘ « Vivres pour le travail » qui consiste à cultiver des
champs collectifs et à utiliser des greniers communs.
Le
marais aménagé est réparti en petites parcelles de 8 hectares chacune. Chaque
ménage exploitera sa parcelle pendant une durée de 5 ans. Une structure locale
partenaire du PAM, dénommée PADEC, (Programme d’appui pour le développement
communautaire) approvisionne les déplacés en semences vivrières.
En
parcourant le champ, je rencontre Yalala Ndondoli, une jeune femme
d’une quarantaine d’années et aux yeux marron, vêtue d’un pagne bleu et
d’une blouse noire. Cette native de Kahira, un village de l’ouest de Kitshanga,
appartient à une population déplacée depuis plusieurs années.
Cela
fait 7 ans qu’elle ne s’est plus rendue dans son village en proie à des guerres
à répétition, marquées notamment par des exactions imputables aux rebelles
rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui écument
l’est de la RDC depuis de longues années.
Aujourd’hui, Yalala, comme d’autres
personnes déplacées, tire profit du projet que coordonne le PADEC dont
l’objectif est d’aider les populations paysannes à avoir plus facilement accès
aux terres.
« J’ai reçu une jeune truie que j’élève et
elle a mis bas. Je suis soulagée et maintenant capable de scolariser mes
enfants qui étaient régulièrement renvoyés de l’école. Ils vont désormais
poursuivre leurs études grâce à ce champ que j’exploite », raconte-t-elle.
Suite
à l’activisme des groupes armés, ces déplacés ne peuvent pas rentrer dans leurs
localités. Actuellement, plus de 800 ménages sont devenus autonomes
financièrement. Le projet « Vivres pour le travail »
permet ainsi à plusieurs déplacés d’améliorer leur niveau de vie.
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