vendredi 14 mars 2014

BURUNDI: Une randonnée dans le marché de Kinindo

Une vendeuse d'ananas dans un petit marché pirate de Bireré
         Une vendeuse d’ananas dans un petit marché pirate de Bireré

Être dans une ville étrangère et se sentir comme à la maison, en tout cas c’est l’impression que j’ai eue en sillonnant ce marché dans la commune de Kinindo. A l’extérieur du marché, ce sont des « malewa » que j’aperçois. Et oui ! Des restos de fortune, ce n’est pas seulement au RDCongo qu’on en trouve.

A l’entrée du marché, c’est une poubelle qui m’accueille me rappelant ma ville volcanique, Goma et son grand marché de Virunga plein d’immondices. Des tas de saletés qui entourent les aliments vendus par les commerçants et qui ne sont évacués qu’après plusieurs revendications des vendeurs auprès des autorités locales. C’est le Congo ça !

La balade dans Kinindo n’en finit pas! On trouve de tout. Des meubles de qualité, de la peinture prête pour utilisation, matelas, etc. Un ensemble de produits qui permet à un client d’éviter plusieurs courses en ville.
De loin, c’est un grand monsieur de teint sombre, en T-shirt rouge et short gris qui m’attire par la vente de produits dont de l’huile de palme. J’étais un peu surprise de voir qu’on trouve de cette huile ici à Bujumbura. Je m’approche de lui et le questionne !

Ley :
Monsieur d’où provient cette huile, ne vient-elle pas des pays frontaliers comme la RDC ?

Inconnu :
Oh ! Non madame. Nous en produisons aussi au Burundi même s’il y a différentes huiles de palme exportées de l’est de la RDC comme le Sud-Kivu (une province voisine du Burundi)

Ley : Vraiment ?

Inconnu :
 Oui. Et la nôtre provient de la province de Makamba – Nyanza-lac au sud du pays
Les marchés à Bujumbura, pour la plupart à l’instar de celui de Kinindo sont très spécifiques et caractérisés par une architecture modeste en bois faite par les artisans locaux. Les vendeurs ont la possibilité de garder leurs produits au marché et revenir le lendemain étaler leurs articles; ça leur facilite les va-et-vient ainsi que les paiements des porteurs. Quelque chose d’inhabituel qu’on ne retrouve pas par exemple à l’est du Congo.

À Goma les marchés sont naturellement ouverts, c’est ce qui fait qu’on ne laisse jamais les produits vivriers et autres échantillons au sein du marché. Chaque soir les produits sont stockés dans des dépôts et le matin réinstallés par des coursiers, un gagne-pain pour ces derniers.

http://leyuwera.mondoblog.org/2014/02/25/rdc-randonnee-dans-le-marche-de-kinindo/

La traque des rebelles ADF mérite une bonne planification


Centre ville de Butembo (crédit photo) Ganza Buroko
        Centre ville de Butembo (crédit photo) Ganza Buroko

La RDC a lancé des opérations militaires contre les rebelles ougandais ADF regroupant des mouvements d’opposition au président Yoweri Museveni. Implanté dans la chaîne du Rwenzori en territoire de Beni au Nord-Kivu. Essentiellement composé d’islamistes, l’ADF est dirigé depuis 2007 par Jamil Mukulu, un chrétien converti à l’islam.



Jason stearns chercheur est auteur américain basé à Bukavu et Christoph Vogel analyste-chercheur indépendant sur des questions sécuritaires dans la région des Grands Lacs

L.Uwera: 
Quelle lecture vous faites en lien avec ces opérations ?

J.Stearns: La victoire contre le M23 ne devrait pas être un exemple à suivre pour les FARDC et la MONUSCO. D’abord cette victoire a été facilitée et bien préparé par des actions politiques. On a vu que le Rwanda a retiré son soutien la veille de cette offensive à cause de la pression diplomatique sur elle, et le M23 seul ne pouvait pas faire face à la MONUSCO et les FARDC. L’ADF et les FDLR sont très différent comme mouvements, n’ont pas des parrains similaire au niveau international et il est difficile de concevoir des actions diplomatique pareilles.

Deuxièmement, le M23 était un mouvement avec des ambitions politiques qui visait à gouverner la population et à contrôler des grandes villes. On ne peut pas dire la même chose pour l’ADF-Nalu, ni pour les FDLR. Ces deux groupes ne vont pas se battre sur la route ou pour le contrôle des villes. Au contraire, ils vont probablement se retirer en brousse pour faire la guérilla. Comme ils l’ont déjà démontré, Ils vont prendre en otage la population locale, l’utiliser comme bouclier humain et faire des massacres des civiles un levier contre la communauté internationale.

L.Uwera: La traque contre les rebelles ADF n’est-elle pas prématurée pour les FARDC sachant que la donne n’est pas la même que celle du M23, vu que c’est un mouvement très ancien avec des bases solides dans les chaînes du Rwenzori?

Ch.Vogel: Des opérations contre les ADF seront certainement un défi pour les FARDC, surtout après l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala, qui devrait être adéquatement remplacé en premier lieu. En dehors de cela, les ADF ont démontrés pendant les dernières années leur capacité de vite s’adapter à des dangers pour leur propre survie en tant qu’organisation militaire non-étatique, notamment par un mix de stratégies conventionnelles et non-conventionnelles.

L.Uwera: 
Récemment la Monusco dans sa conférence hebdomadaire elle a déclarée que ce groupe rebelle est très nuisible et que la situation sur terrain mérite une planification, bonne préparation et plus des renseignements pour les confronter. Quel est votre analyse ?

J.Stearns: La MONUSCO a raison : Pour la réussite des opérations contre ces deux groupes rebelles, il faudra une bonne planification et des bons renseignements. Mais il faut aller plus loin : il faudra des unités commando et bien des forces spéciales qui peuvent cibler chirurgicalement le système nerveux central, c’est à dire le haut commandement de ces groupes, pour éviter le plus des dégâts collatéraux contre les civiles. Est-ce que ces unités existent au sein des FARDC et de la MONUSCO ?

Pour les deux groupes il est important au même temps d’entamer discrètement des discussions avec des commandants ADF et FDLR qui n’ont pas des dossiers judiciaires au Congo ou bien à l’étranger. Pour les FDLR il est possible aussi d’envisager, par exemple, un tiers pays d’exile pour ce genre des commandants, pour encourager leur défection et la défaite de ces groupes.
L.Uwera: Pensez-vous que la MONUSCO et sa Brigade d’intervention sont prêtes pour éliminer le groupe négatif et s’engager dans les combats afin de mettre fin à ce mouvement ?

Ch.Vogel:
 En ce qui concerne l’ADF comme l’un des futurs objectifs de la brigade, il est à noter que le contingent tanzanien a récemment renforcé sa posture au niveau de Beni, précisément à Kamango. Des sources onusiennes par contre, indiquent que la partie de la brigade responsable pour les ADF ne serait pas encore prêt a entamer ces opérations a ce point, ceci est lier aussi a des impératifs politiques et opérationnels au sein de la MONUSCO en général.

L.Uwera: Les Forces armées congolaises sont déterminées à désarmer les rebelles ADF avec ou sans l’appui de la Monusco ont-elles les moyens possible ? Ne pourront-elles pas se retrouver dans un piège si quelques éléments de la rébellion défaite en novembre dernier, le M23 sont signalé dans la zone?

Ch.Vogel:

Comme les préparatifs au sein de la brigade d’intervention de la MONUSCO semblent avoir besoin de plus de temps a ce point, les incidents sécuritaires des derniers mois, surtout dans la zone de Mbau et Kamango en territoire de Beni donnent raison à croire que cela ne sera pas une opération facile, étant donner les caractéristiques des ADF, notamment leur cohésion interne et mobilité. Des rapports ont signalé que les ADF se seraient partiellement déplacé vers le district de l’Ituri en province Orientale. En ce qui concerne le M23, les informations actuelles ne confirment ni un regroupement de ce mouvement sur le sol congolais (par contre, des premiers rapports avaient suggérés cela et doivent être confirmés) ni une collaboration entre eux et les miliciens de l’ADF. Si cela pourrait avoir lieu ou pas est il est difficile a deviner, mais au cas ou, cela serait certainement une alliance inattendue.

L.Uwera: Pourquoi l’armée semble-t-elle se précipiter dans ces opérations ?

Ch.Vogel:
 Etant donne l’impetus de la victoire contre le M23, le gouvernement congolais ainsi que les FARDC peuvent être intéressés de maintenir cet esprit et rapidement continuer à s’engager contre les différents groupes armes, notamment les ADF, FDLR, et d’autres. En même temps, nous vivons une période d’inquiétude au niveau national, provoqué par les incidents du 30 décembre dernier, ainsi que la mort du Colonel Mamadou puis les affrontements au Katanga. Vu que le gouvernement à finaliser son nouveau plan de DDR mais les bailleurs internationaux ne semblent pas encore avoir joint ce processus, il s’agit d’une décision tactique importante de choisir le bon moment pour continuer les opérations militaire. Trop tard, la dynamique créé dans les opérations anti-M23 serait éventuellement perdu, trop tôt, le risque de se retrouver avec des milliers de combattants démobilisés avant que le DDR devient opérationnel pourrait également créer des dégâts considérables.
  RDC: La traque des rebelles ADF mérite une bonne planification

Le Trésor caché de Rubaya



Des creuseurs dans une mine artisanale de Coltan à Rubaya  dans le Masisi. (Crédit photo: Ley Uwera )
Des creuseurs dans une mine artisanale de Coltan à Rubaya dans le Masisi. (Crédit photo: Ley Uwera )

Le spectacle des belles collines et pâturages nous parait fascinant. Hélas une toute autre réalité se cache derrière. Pour accéder à Rubaya l’on emprunte les routes quasi impossibles de ce territoire et les infrastructures routières en mauvais état. Sur le trajet menant vers Masisi les ponts ménacent de s’écrouler comme sur Bihambwe un rond-point sur les routes qui mènent à Rubaya.

A une soixantaine des kilomètres de la ville de Goma se trouve les carrières minières de Rubaya. Une localité des collines mystérieuses du territoire de Masisi qui régorgent des matières premières dont le coltan et cassitérite, des minerais spéciaux de la province convoités par des pays frontaliers de la RDC et multinationales.

Le trafic minier est presque la seule source des revenus quotidiens pour les habitants, pourtant une région à priori agricole. Lors de notre arrivée vers 13 heures un de nos guides qui travaille au sein d’une ONG internationale œuvrant dans le zone nous conduit dans le camp des déplacés pour voir si l’on trouverait
 quelqu’un qui pourrait bien nous aider à escalader les collines.

Un jeune creuseur d'une mine de Rubaya à Masisi ( Crédit photo:Ley Uwera)
Un jeune creuseur d’une mine de Rubaya à Masisi ( Crédit photo:Ley Uwera)

Il eut un jeune volontaire :Innocent, 16 ans, que nous avons rencontré dans la cité et qui vit dans le camp des déplacés en plein cœur de Rubaya , partant pour nous accompagner puisqu’il connait bien les coins de cette cité.
Pour survivre il fait comme la majorité des jeunes, chaque matin il prend la route et se rend dans la mine d’Iyange pour creuser et revenir vers le soir avec un peu d’argent qu’il contribue aussi à sa famille pour avoir à manger.
L’après-midi de la journée nous devrions rencontrer un minier du centre de négoce de Rubaya car sans son autorisation c’est peine perdue d’entrer dans les carrés miniers.

 Au Congo tout est protocolaire

C’est des heures d’attente qu’on passe au centre pour que le minier passe un coup de fil à un responsable pour nous donner accès à la mine. Finalement, c’est pour le lendemain qu’on nous fixe un rendez-vous.
En rentrant à l’hôtel un jeune homme s’approche de nous et se présente comme un négociant du nom de James, je suppose qu’il pensait que nous étions des acheteurs des minerais puisqu’on était en compagnie des amis bazungu (blancs) donc on ne pouvait qu’être intéressés. Il nous ramène jusqu’à son domicile pour exhiber les matières qu’il revend.

James achète des matières à la Mine d’Inyange, les ramène à la rivière pour les faire traiter afin de les revendre aux preneurs qui ne sont des personnes qui viennent de Goma en majorité. Les conditions de travail des mineurs restent encore une fois difficiles suite aux galéries profondes, souligne James qui gagne au moins 1500$ le mois vendant un kilo à 25 dollar. Bien sur que cela est sujet d’une fluctuation et difficile à vérifier.

Qui sont les acheteurs de ces minerais ?

James bredouille, il ne donne pas des détails sur les acheteurs ; précisant seulement que ce sont des intermédiaires qui les acheminent à Goma pour ensuite les revendre aux étrangers, que lui ne connait.
Le gagne-pain de chacun dans ces mines mortels est bien différent : Le jeune Innocent qui n’a que 16 ans et passe au moins 8 heures par jour sous ces mines n’est payé qu’avec 1000 francs congolais la journée. Pourtant – et lui même en est bien conscient – ce travail peut lui coûter la vie.
A l’aube prête, nous montons – à travers les brumes qui couvrent la route – la colline magique, qui fait survivre la majeure partie des habitants de cette cité très mouvementée. Pour la gravir, nous mettons 2 heures de temps de marche.

En cours de route, des hommes montent et descendent avec des sacs remplis des matières. Afin nous arrivâmes au pic de la colline où la pente est très glissante en période des pluies. Un faux pas et on fini soit les jambes cassées soit au bas de la montagne. L’exploitation des minerais par les creuseurs se fait dans les conditions les plus dangereuses dans cette zone minière à Inyange sur la colline portant le même. Les mineurs se lèvent tôt le matin pour grimper et passent 10 heures sous ces mines au péril de leurs vies.

Ce n’est que vers le soir ou l’on aperçoit sur la montagne la lumière des torches que portent les mineurs pour illuminer le chemin comme il n’y a pas d’électricité dans cette contrét qui fait peur la nuit, me dit un habitant.
En leurs posant la question si ils savent à quoi servent ces minerais, les creuseurs ne disposent d’aucune véritable réponse, sauf certains d’eux qui apprennent d’autres qu’ils fabriquent des casseroles ou d’ustensiles de cuisine.

C’est dans cette ignorance que la plupart des Congolais sont aujourd’hui plongés dans la misère et la violence sans pouvoir espérer profiter prochainement des fantastiques richesses qui dorment sous leurs pieds.

http://leyuwera.mondoblog.org/2014/01/09/rdc-le-tresor-cache-de-rubaya//