lundi 10 novembre 2014

A Kitshanga les déplacés de guerre sont autonome




Des femmes dans un marais à Kitshanga Crédit Photo: Charly Kasereka




Peut-on être à la fois déplacé de guerre et autonome ? Oui, s’il s’agit de maintenir la cohésion sociale entre des communautés déchirées par les conflits armés. À Kitshanga dans le Masisi le mécanisme est en marche. 

Je me trouve dans le marais de Kibumbu, à une soixantaine de kilomètres de la ville volcanique de Goma. C’est en territoire de Masisi, dans un vaste champ de 110 hectares. Devant moi, plusieurs dizaines de personnes en train de labourer la terre en fredonnant quelques chants. On se croirait à l’ère de l’esclavage aux Etats-Unis.

Dans le marécage, ce sont des légumes (patates douces, pommes de terre, choux-fleurs, etc.) que déplacés et autochtones du terroir essayent de cultiver. La plupart d’entre eux sont des femmes, voire des jeunes garçons qui travaillent conjointement avec leurs mères. 

Dans cet environnement, il n’est pas facile, pour plusieurs familles pauvres, de refaire leur vie après un conflit armé ou une catastrophe naturelle. Pour favoriser l’accès des communautés vulnérables aux biens de première nécessité dans ce contexte difficile, le Programme alimentaire mondial (PAM) soutient l’activité agricole à laquelle se livrent des déplacés de ce camp. Le PAM a ainsi mis en place le programme  ‘ « Vivres pour le travail  » qui consiste à cultiver des champs collectifs et à utiliser des greniers communs. 

Le marais aménagé est réparti en petites parcelles de 8 hectares chacune. Chaque ménage exploitera sa parcelle pendant une durée de 5 ans. Une structure locale partenaire du PAM, dénommée PADEC, (Programme d’appui pour le développement communautaire) approvisionne les déplacés en semences vivrières.

En parcourant le champ, je rencontre  Yalala  Ndondoli, une jeune femme d’une quarantaine d’années et aux yeux marron,  vêtue d’un pagne bleu et d’une blouse noire. Cette native de Kahira, un village de l’ouest de Kitshanga, appartient à une population déplacée depuis plusieurs années. 

Cela fait 7 ans qu’elle ne s’est plus rendue dans son village en proie à des guerres à répétition, marquées notamment par des exactions imputables aux rebelles rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui écument l’est de la RDC depuis de longues années. 

Aujourd’hui, Yalala, comme d’autres personnes déplacées, tire profit du projet que coordonne le PADEC dont l’objectif est d’aider les populations paysannes à avoir plus facilement accès aux terres. 

« J’ai reçu une jeune truie que j’élève et elle a mis bas. Je suis soulagée et maintenant capable de scolariser mes enfants qui étaient régulièrement renvoyés de l’école. Ils vont désormais poursuivre leurs études grâce à ce champ que j’exploite », raconte-t-elle. 

Suite à l’activisme des groupes armés, ces déplacés ne peuvent pas rentrer dans leurs localités. Actuellement, plus de 800 ménages sont devenus autonomes financièrement. Le projet « Vivres pour le travail » permet ainsi à plusieurs déplacés d’améliorer leur niveau de vie.